Parce que le passif ne se résume par à la maison individuelle (neuve), nous braquons aujourd’hui les projecteurs sur une opération de construction et de rénovation de logements HLM labellisés, réalisés par les agences DeA architectes et Richter architectes & associés en collaboration avec le BET Solares Bauen. Reportage.
À Colmar, deux agences d’architecture alsaciennes réalisent en 2017 un petit exploit : livrer deux immeubles HLM labellisés passifs. Le tour de force ? L’un est neuf, l’autre est une rénovation. Bien qu’ils aient 50 ans d’écart, les deux projets se ressemblent à s’y méprendre et leurs performances énergétiques sont proches. Visite guidée !
Enjeux urbains
Situé dans l’ouest de Colmar, le quartier Europe regroupait à lui seul près d’un Colmarien sur cinq dès 1977. Il n’est pourtant sorti de terre qu’au début des années 1960 ; auparavant, l’on ne trouvait là que des champs. C’est pour répondre à la crise du logement que la municipalité décide, sous l’impulsion de l’architecte Gustave Stoskopf, d’urbaniser cette partie du territoire. Exit les terres cultivées ; place aux grands ensembles qui accueilleront leurs premiers habitants dès l’automne 1964.
La barre Luxembourg compte parmi ces grands ensembles. Tout en béton, extrêmement longue, elle forme comme une muraille au cœur de ce quartier qu’elle coupe en deux. Dans le cadre d’un programme de rénovation urbaine initié dans les années 2000, le bailleur social Pôle Habitat Colmar Centre Alsace (PHCCA) lance un concours conception-réalisation pour la restructurer. Objectif : en démolir une partie pour fluidifier ce coin de la ville, rénover ce qu’il reste et ériger à quelques mètres de là un second immeuble de HLM. Ce, tout en visant les critères du passif, pour le neuf comme pour la rénovation.
Après plusieurs mois d’études, le projet proposé par les équipes des agences alsaciennes DeA architectes et Richter architectes & associés fait mouche. Eux proposent de ne conserver que trois halls d’immeuble sur l’ensemble de ceux qui constituaient autrefois la barre et développent une idée forte : « Nous avons voulu que le bâtiment neuf et l’ancien dialoguent. Mieux, qu’ils se ressemblent, pour que les personnes à qui l’on attribue un logement ne puissent les distinguer, et qu’il n’y ait donc aucun phénomène de comparaison préjudiciable », détaille Guillaume Delemazure, fondateur de l’agence DeA architectes.
Réponses passives
Bien qu’elles travaillent de concert, les deux agences se répartissent les tâches : Richter architectes & associés s’occupent du neuf, l’équipe de Guillaume Delemazure prend en charge la rénovation, en s’appuyant sur les qualités de l’existant, heureusement orienté nord/sud. « Il faut reconnaître que ces bâtiments des années 1960, quoique construits avec des procédés peu qualitatifs, sont extrêmement bien conçus : des chambres placées au bon endroit, un séjour/cuisine traversant, le tout abrité dans un édifice de faible épaisseur. Il ne manquait pas grand-chose à ces logements pour fonctionner», analyse l’architecte. Ce « pas grand-chose » prendra la forme de loggias abritées par une structure autoportante en métal accolée à la façade sud de la barre. Profonds d’environ 2 mètres, ces balcons filants font également office de casquettes protectrices, assurant le confort d’été du projet.
Pour l’isolation par l’extérieur, les concepteurs privilégient une solution biosourcée, la laine de bois car il s’agit du « plus gros apport de matériau sur ce chantier », explique l’architecte, avant de nous mettre en garde : « En travaillant sur de tels projets, on découvre des choses qui ne sont pas intuitivement anticipables. Par exemple, quand vous isolez de manière très performante votre immeuble, d’un coup, vous entendez beaucoup plus votre voisin ! Ici, il a donc fallu renforcer les performances acoustiques à l’intérieur du bâtiment. » Des embûches qui n’empêchent pas la réussite du projet. Car la promesse est tenue : au final, les deux réalisations se ressemblent comme deux gouttes d’eau et surtout, elles répondent toutes deux aux critères du label « Bâtiment Passif Classique ». De l’or en barre !
FICHE TECHNIQUE (bâtiment rénové)
livraison 2017 – localisation Colmar, Haut-Rhin – label Bâtiment Passif Classique – surface de référence énergétique 3 552 m² – coût des travaux 1 060 euros HT/m² SRE (hors désamiantage, démolitions et VRD) – besoins de chauffage 15 kWh/(m²a) – puissance de chauffe 13 W/m² – fréquence de surchauffe 5,3 % – test d’infiltrométrie n50 = 0,54/h – consommation d’énergie primaire 103 kWh/(m²a) – rendement VMC double-flux 84 % – châssis triple vitrage Uw = 0,85 W/(m²K) – murs extérieurs isolation fibre de bois 240 mm, structure béton. U = 0,18 W/(m²K) – dalle isolation laine de roche 150 mm avec laine de verre en sous-face 90 mm, sur dalle béton. U = 0,182 W/(m²K) – toiture isolation polyuréthane 280 mm, structure béton. U = 0,081 W/(m²K)
Confort d’été
Autoportante et accolée à la façade sud, la structure métallique qui accueille les balcons filants participe au confort d’été tout en évitant les ponts thermiques. Alors qu’en hiver, ces terrasses ne bloquent que 5 % des apports solaires par effet d’ombrage, ce chiffre monte à 95 % à la belle saison.
Métal déployé
Pour ne pas entraver les rayons du soleil l’hiver, la forme et la dimension des ouvertures (perforation 45 %) du métal déployé ont fait l’objet de calculs précis. Un système de lisses horizontales en acier galvanisé fait office de brise-soleil au dernier niveau.
Association inédite
L’enveloppe est isolée par une couche de 24 centimètres de fibres de bois, couplée à des bandes de recoupement en laine de roche, puis recouverte d’enduit minéral. Sur un projet aussi haut, l’association fibres de bois/ enduit minéral était une première en France pour le fabricant.
Besoins réels
Grâce à cette rénovation passive, les besoins réels de chaleur de chauffage étaient de 7,0 kWh/(m²a) pour la période 2019/2020. Avec une température moyenne de 20,5/21°C relevée dans les logements en hiver, la facture de chauffage des habitants s’élevait en moyenne à 14 euros TTC par mois.
Ventilation
Installées au sous-sol, trois centrales double-flux monobloc à récupération de chaleur et d’une capacité de 4 000 m3/h ventilent les 48 logements que compte la barre Luxembourg. En outre, l’édifice est équipé d’un système de récupération de chaleur sur les eaux grises.
Projet urbain
La rénovation de la barre Luxembourg et la construction du second édifice s’inscrivent dans une problématique urbaine plus large. La solution proposée par les architectes comprend ainsi la création de promenades, d’une placette ainsi que de places de stationnement.