Début juillet, deux étudiants de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) ont organisé un atelier d’introduction d’une semaine à l’éco-construction et à la conception passive auquel ont participé une vingtaine de leurs camarades. Partenaire de cet atelier, La Maison du Passif s’est rendue sur place pour assister aux groupes de travail et échanger avec ces futurs ingénieurs. L’occasion d’en apprendre davantage sur la vision de cette génération pour qui performance énergétique devrait rimer avec bilan carbone et engagement politique.
Jeudi 3 juillet 2025. Il est environ 12h45 quand nous arrivons à l’Université de Technologie de Compiègne, l’une des trois UT de France. Génie biologique, procédés, informatique, mécanique urbain… Entre ces murs, ce sont des générations entières de futurs brillants ingénieurs que l’on forme. Parmi eux, Hugo Sanchez et Gaëtan Hiblot, respectivement spécialisés en ingénierie mécanique et génie urbain. Ensemble, ils se sont lancé le défi d’organiser une semaine d’Activité Pédagogique d’Intersemestre (API) consacrée aux matériaux biosourcés et à la conception passive.
« Avec cette API, nous souhaitions montrer à nos camarades qu’il existe des alternatives, que des pas de côté peuvent être faits. »
Sortir du béton, pousser la performance énergétique
Pour Gaëtan, passionné de matériaux biosourcés et familier du Passif pour avoir effectué un stage dans le bureau d’études thermiques solaresbauen, l’objectif de cet atelier part d’un constat simple : « Le secteur du bâtiment porte une grande responsabilité dans le réchauffement climatique. Si le béton était un pays, il serait le troisième émetteur de GES au monde. Avec cette API, nous souhaitions montrer à nos camarades qu’il existe des alternatives, que des pas de côté peuvent être faits », sourit le jeune homme. Quant au fait d’associer performance énergétique et biosourcé, c’était pour eux une évidence : « Venant de la filière mécanique, je ne connaissais pas le Passif avant de travailler sur ce projet, raconte Hugo. Quand Gaëtan m’a expliqué le concept, j’ai été très étonné de découvrir que l’on pouvait obtenir le label avec des matériaux polluants. Cela m’a semblé opposé aux valeurs-mêmes que porte la méthode. » Et Gaëtan de compléter : « Nous sommes bien conscients qu’allier performance énergétique et biosourcé est souvent plus complexe, pour plein de raisons. Mais par conviction, on tenait à croiser ces deux thèmes. Pour tout dire, on aurait même aimé aborder le sujet de la rénovation plutôt que celui de la construction neuve, mais c’était trop ambitieux pour une API d’une semaine montée par deux étudiants… »
« Nous avons réfléchi à une manière aussi ludique que possible d’introduire le PHPP en seulement deux jours. »
Un programme complet et équilibré
Aussi didactique que récréatif (période post-examens oblige !), le programme sur mesures reflète pleinement ces objectifs : après un état des lieux revenant sur l’impact du secteur du BTP suivi d’une introduction à la physique du bâtiment, Hugo et Gaëtan ont organisé des journées d’expérimentation/manipulation de matériaux biosourcés (paille et terre) orchestrées par des professionnels. La semaine s’est conclue par deux jours consacrés au logiciel PHPP avec un format adapté au niveau des étudiants, dont beaucoup n’avaient jamais entendu parler de cet outil indispensable à la conception de projets passifs. « Apprendre à manipuler le PHPP est forcément plus complexe et moins “fun” que poser de la paille ou manipuler la terre. Avec Paul-Louis Sadoul, notre intervenant sur le logiciel [Paul-Louis Sadoul est Chef de projet associé – Responsable AMO et Urbanisme chez solaresbauen France, ndlr], nous avons donc réfléchi à une manière aussi ludique que possible d’introduire le PHPP en seulement deux jours. »
« Le bilan est très positif. La plupart des participants sont hyper curieux, hyper ouverts. Ça discute, ça rigole, ça met la main à la pâte ! On ne peut que se réjouir. »
« Et la ouate de cellulose, c’est bien ça ? »
Concrètement, les groupes ont travaillé sur un projet – une maison –, déjà modélisée, avec des volumes simples et un PHPP prérempli. À eux, ensuite, de choisir une commune d’implantation, de trouver l’orientation adéquate, puis de sélectionner les matériaux biosourcés les plus appropriés pour concevoir une enveloppe conforme au standard Passivhaus. Le dernier jour, chaque groupe a finalement présenté ses résultats et esquisses sous l’œil intéressé de leurs professeurs – lesquels espèrent voir l’API reconduite l’année prochaine. « Le bilan est très positif. La plupart des participants sont hyper curieux, hyper ouverts. Ça discute, ça rigole, ça met la main à la pâte ! On ne peut que se réjouir », s’enthousiasment Gaëtan et Hugo.
« Est-ce que les acteurs et penseurs du Passif vont jusqu’à remettre en question le secteur du BTP ? Je n’ai pas trop l’impression. Cela serait pourtant intéressant. »
Vers un Passif plus politique ?
S’ils sortent très satisfaits de l’expérience, les deux futurs ingénieurs profitent de ce qu’ils ont appris pour s’interroger : « Certaines différences entre le biosourcé et le Passif donnent à réfléchir. Le caractère politique par exemple. Si l’on prend le cas de la terre, c’est une filière historiquement très politisée, car elle repose sur des savoir-faire détenus par des artisans qui n’ont pas toujours les moyens de respecter les normes d’assurabilité. Toute la recherche sur la terre joue de cet équilibre : mettre en science le savoir-faire sans porter préjudice aux artisans qui le détiennent. J’ai l’impression que de son côté, le monde du Passif est bien moins politisé. Certes, répondre au label, c’est déjà un engagement fort, mais est-ce que les acteurs et penseurs du Passif vont jusqu’à remettre en question le secteur du BTP ? Je n’ai pas trop l’impression. Cela serait pourtant intéressant », songe Gaëtan. Reste à savoir, si tel est son rôle, comment le Passif peut devenir davantage politique.


