Quoique l’on ait pensé des Jeux Olympiques de Paris, ils auront eu du bon. Grâce à eux, les élèves bourgetins ont en effet hérité d’une nouvelle école. De deux, plus exactement. Un projet passif sans compromis signé par les architectes de Tectoniques et Ajeance en collaboration avec le BET Solares Bauen.

© Julie Ung
En 2024, l’été aura été olympique au Bourget. En plus d’accueillir les épreuves d’escalade, la
ville de Seine-Saint-Denis a abrité, avec deux autres communes, le Village des médias. L’occasion pour la municipalité de réaménager radicalement son ancien parc sportif afin d’y bâtir de nouveaux équipements (piscine, gymnase, city-stades, etc.), mais également de déplacer le groupe scolaire Jean Jaurès devenu vétuste après plus de 60 ans de bons et loyaux services. Porté par la SPL Le Bourget – Grand Paris pour le compte de la Ville, le projet ne prévoit rien de moins que la construction de deux nouvelles écoles répondant aux standards des labels Bâtiment Passif Classique, Bâtiments Durables Franciliens (niveau Argent), E+C- (niveau E3C1) et Bâtiment biosourcé (niveau 3). Sans compter que le contrat prend la forme d’un marché public global de performance (MPGP), associant l’exploitation à la conception-réalisation afin de remplir des objectifs chiffrés de performance, ce qui n’est pas sans conséquences pour les équipes en lice. « En MPGP, le mandataire s’engage sur un coût global qu’il devra respecter. En 4 mois de concours, il faut alors fournir un travail presque équivalent à la phase PRO. C’est un énorme investissement, impliquant de réaliser d’emblée de multiples simulations, surtout quand les objectifs de labellisation
sont aussi ambitieux », détaille Claire Boulot, cheffe de projet chez Solares Bauen, dont le groupement mené par l’entreprise générale de construction bois Maître Cube est désigné lauréat du concours.

© Maxime Verret
Volumes hors dogmes
Bâties dos à dos sur une parcelle rectangulaire, les deux écoles se déploient chacune autour d’une cour végétalisée selon un plan en U d’une grande lisibilité : les unités élémentaires dans les ailes nord-ouest en R+1 et R+2, les maternelles au sud-ouest et de plain-pied. Au centre de ces fers à cheval, les restaurants scolaires. « Je pense que c’est l’un des grands mérites de ce projet : à sa manière, il fait la démonstration que l’on peut atteindre un niveau de performance important – passif en l’occurrence –, sans tomber dans les dogmes que l’on connaît et qui peuvent produire une architecture relativement générique : très compacte, cubique, épaisse et orientée nord/sud », analyse Lucas Jollivet, architecte et directeur général de l’agence Tectoniques. Cette qualité architecturale a néanmoins un prix: pour compenser la faible compacité et certaines expositions difficiles, notamment du côté des zones maternelles orientées nordouest, les ingénieurs mettent le paquet sur le vitrage et les châssis – certifiés –, ainsi que l’isolation : 20 cm d’isolant sous chape, 40+6 cm en toiture et 22+5 cm pour les murs, pour une résistance thermique de l’enveloppe comprise entre 7,5 et 12,8 m²K/W. « Ce sont des épaisseurs d’isolants que l’on trouve plus souvent à Strasbourg qu’en région parisienne, témoigne Claire Boulot. Heureusement, nous avons eu la chance de travailler avec une entreprise générale versée dans la fabrication de murs à ossature bois avec isolation intégrée, à la différence des entreprises traditionnelles habituées au béton, pour qui il est plus difficile de gérer les isolants… »

© Maxime Verret
Pression sur la ventilation
Sur le plan de la ventilation aussi, les ambitions et les besoins sont drastiques. La maîtrise d’ouvrage exige en effet un renouvellement d’air de 30 m3 par heure et par personne dans chaque pièce ainsi qu’un confort thermique optimal (maintien d’une température moyenne entre 18 et 20°C). Pour répondre à ces demandes sans surconsommer, les concepteurs installent dans toutes les salles de classe et espaces partagés des boîtes à débit d’air variable pourvues de sondes de régulation CO2 de chez ThermoZYKLUS. Grâce à des algorithmes, cet équipement enregistre et anticipe avec finesse les mouvements des élèves, régulant en fonction les radiateurs hydrauliques ainsi que les débits des trois CTA à système de détente intégré installées dans chaque bâtiment. « C’est une mine d’or d’informations pour le suivi énergétique et le suivi d’exploitation qui court sur 5 années. Cela nous permet d’avoir un véritable retour d’expérience sur ce projet », conclut Claire Boulot.
FICHE TECHNIQUE (bâtiment rénové)
livraison 2017 – localisation Colmar, Haut-Rhin – label Bâtiment Passif Classique – surface de référence énergétique 3 552 m² – coût des travaux 1 060 euros HT/m² SRE (hors désamiantage, démolitions et VRD) – besoins de chauffage 15 kWh/(m²a) – puissance de chauffe 13 W/m² – fréquence de surchauffe 5,3 % – test d’infiltrométrie n50 = 0,54/h – consommation d’énergie primaire 103 kWh/(m²a) – rendement VMC double-flux 84 % – châssis triple vitrage Uw = 0,85 W/(m²K) – murs extérieurs isolation fibre de bois 240 mm, structure béton. U = 0,18 W/(m²K) – dalle isolation laine de roche 150 mm avec laine de verre en sous-face 90 mm, sur dalle béton. U = 0,182 W/(m²K) – toiture isolation polyuréthane 280 mm, structure béton. U = 0,081 W/(m²K)

Plan masse
« L’implantation des bâtiments, en rez-de-chaussée à l’est, en R+1 et R+2 à l’ouest, permet de s’inscrire dans une logique territoriale et urbaine en ménageant une continuité paysagère avec le contexte urbain », argumente Lucas Jollivet. Premiers équipements publics livrés sur la ZAC du Cluster des médias — dont le plan a été imaginé par les urbanistes de TVK et les paysagistes de BASE —, les écoles sont en effet construites sur une parcelle bordée d’un côté par le futur parc sportif du Bourget, poumon vert de 4 hectares, de l’autre par une trame bâtie constituée de petits pavillons individuels.

Sans sens dessus dessous
Le projet architectural prévoyant de petites zones de faux-plafond, principalement dans la bande servante entre les couloirs et les classes, le bureau d’études Solares Bauen a travaillé en transfert d’air de manière à optimiser les longueurs de gaines de ventilation. « On souffle dans les salles de cours et on reprend en vrac dans les circulations, les pièces humides et les pièces techniques », détaille l’ingénieure. Faute d’équipement satisfaisant sur le marché pour assurer le transfert d’air depuis les classes, l’équipe de Claire Boulot a travaillé sur son propre système, composé de deux diffuseurs, d’une grille certifiée coupe-feu et d’un flexible acoustique.