À la pointe de la plus célèbre presqu’île de France, un petit bâtiment fait parler de lui : c’est "Quib'Espace Jeunes", le tout nouvel espace jeunes de la commune de Quiberon. Biosourcé et labellisé Bâtiment Passif, il illustre une autre manière de bâtir : une architecture qui prend soin des jeunes comme du territoire.
Le 5 juin 2024. Les Quiberonnaises et Quiberonnais de 11 à 25 ans sont à l’honneur : on inaugure aujourd’hui leur tout nouvel espace jeunes. Le maire de la ville, Patrick Le Roux, la conseillère régionale Kaourintine Hulaud, plusieurs autres élus ainsi que le Conseil des jeunes de Quiberon ont fait le déplacement pour l’occasion. Il faut dire que cette journée est à marquer d’une pierre blanche. Et pour cause… D’une surface de référence énergétique de 131 mètres carrés et situé dans le quartier sportif et culturel de Beg Er Vil, l’équipement réalisé par PLAY architecture et Altherm incarne ce que l’on fait de mieux en matière de sobriété, alliant conception passive et emploi de matériaux biosourcés et recyclés. La mairie a donc visé l’exemplarité pour ce bâtiment où les jeunes du coin peuvent passer des moments entre amis après les cours ou trouver des informations pour se lancer dans la vie active du bon pied.
Caractéristiques du bâtiment rapportées à la Surface de Référence Énergétique :
- surface de référence énergétique : 131 m²
- besoin de chauffage : 9 kWh/(m²a)
- puissance de chauffe : 11 W/m²
- refroidissement + déshumidification : –
- puissance de refroidissement : –
- fréquence de surchauffe (> 25°C) : 2%
- fréquence d’humidité excessive (> 12 g/kg) : 0%
- test d’infiltrométrie n50 : 0,3
- consommation d’EP : 118 kWh/(m²a)
- consommation d’EP-R : 57 kWh/(m²a)
- production d’E renouvelable : 46 KWh/(m²a)
« En choisissant le bois, nous aurions déjà fait la moitié du chemin vers le Passif. »
Une conviction interne
Ce projet passif, la presqu’île de Quiberon le doit en grande partie à Laurence Canu, ingénieure de formation et chargée d’opérations au sein du Centre Technique municipal. « Quand j’ai été recrutée à la ville, il y a 3 ans et demi environ, je m’intéressais au Passif à titre personnel et j’étais justement en train de suivre la formation Concepteur/Conseiller Européen Bâtiment Passif (CEPH). Le projet de l’espace jeunes était alors en phase programmation et les élus envisageaient plutôt de le construire en parpaings. En travaillant sur l’étude de faisabilité, j’ai envisagé deux scénarios : le premier avec une construction en parpaings, le second en bois. À titre comparatif, le bois ne coûtait pas beaucoup plus cher, mais il nous permettait de gagner un temps précieux. Ce qui n’était pas négligeable dans notre contexte, la parcelle choisie se trouvant au cœur de plusieurs autres chantiers : rénovations d’un gymnase et du palais de congrès, construction d’une chaufferie biomasse. »
La perspective de boucler la construction de l’espace jeunes avant ces autres opérations pour un surcoût très limité suffit alors à convaincre les élus quiberonnais de la pertinence d’une ossature bois. Laurence Canu en profite pour enfoncer le clou en faveur du Passif : « Je leur ai expliqué qu’en choisissant le bois, nous aurions déjà fait la moitié du chemin vers le Passif. Seuls quelques efforts supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre le standard. J’ai donc rédigé le programme de manière à ce que l’architecte qui serait retenu soit sensibilisé au sujet, tout en précisant que la décision de viser la labellisation ne serait prise qu’en phase APD, une fois les coûts clairement établis. C’est alors que nous avons découvert la proposition de l’agence PLAY architecture fondée par Marie Fétiveau – un projet en ossature bois et paille, dont le surcoût restait modéré et le concept séduisant –, entérinant définitivement l’orientation vers un bâtiment passif. »
Double vitrage
Contrairement à la plupart des bâtiments passifs, ce projet est équipé de double et non de triple vitrage. Cela n’est possible que dans certaines régions de France.
Un projet au service de toutes et tous
Construit en un peu moins d’un an – dont seulement 3 jours pour assembler et monter l’enveloppe grâce à la préfabrication des caissons bois en atelier –, ce projet témoigne d’une réelle ambition : prendre soin des générations futures, de la société, de l’environnement. Au-delà de sa typologie – un espace jeunes étant par définition un lieu dédié aux préadolescents, adolescents et jeunes adultes pour leur permettre de se retrouver mais aussi de partager toutes leurs interrogations –, le bâtiment de l’agence PLAY architecture offre un cadre de vie sain à ses usagers. Les matériaux sont pour l’essentiel biosourcés : ossature et bardage bois, isolation paille et laine de bois insufflée, mur de refend en adobe, tandis que d’autres ressources, comme les éviers, les lavabos ou les étagères de la partie archives sont issues du réemploi. Labellisé Bâtiment Passif, l’équipement affiche un besoin de chauffage de 9 kWh/(m²a) et une consommation en énergie primaire non-renouvelable de 118 kWh/(m²a) – sachant qu’une partie de ses besoins en énergie sont assurés par des panneaux photovoltaïques en toiture dont la production totale d’énergie est estimée à 43 kWh/(m²a). La VMC double-flux, quant à elle, garantit une excellente qualité de l’air intérieur (QAI) dans le bâtiment.
« Nous avons organisé des visites de chantier pour expliquer aux jeunes ce qu’est un bâtiment passif, à quoi servent les baies au sud, pourquoi il n’y a pas de chauffage, comment on a pu s’en passer, etc. C’était une très belle occasion de sensibiliser des citoyens en devenir à la performance énergétique. »
Sensibilisation et appropriation
Parce qu’un projet comme celui-ci reste atypique dans le paysage bâti, maîtrise d’ouvrage et architecte ont l’idée d’en faire un outil pédagogique pour les futurs usagers. « Nous avons organisé des visites de chantier pour expliquer aux jeunes ce qu’est un bâtiment passif, à quoi servent les baies au sud, pourquoi il n’y a pas de chauffage, comment on a pu s’en passer, etc. C’était une très belle occasion de sensibiliser des citoyens en devenir à la performance énergétique », explicite Laurence Canu. Sans compter que les adolescents ont eu l’occasion de mettre la main à la pâte : « Laurence a proposé de faire participer les jeunes au chantier pour qu’ils se saisissent du lieu, raconte Marie Fétiveau. Puisqu’il était intéressant d’ajouter un peu d’inertie à ce projet en bois, notre idée a été d’intégrer un mur de refend en briques de terre crue, mur que les jeunes pourraient construire eux-mêmes. Pendant 15 jours, durant les vacances de février 2024, ils ont donc participé à édifier ce mur, sous la supervision d’une maçonne spécialisée pour des questions d’assurabilité. Ils ont adoré l’expérience ! » se félicite l’architecte.
Maintenance
Aujourd’hui, ce sont les installateurs des différents équipements techniques de l’espace jeunes qui s’occupent de leur maintenance. À termes, les équipes municipales prendront peut-être le relai.
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »
Derrière le succès aujourd’hui reconnu de ce projet, Laurence, Marie et leurs équipes ont dû surmonter plusieurs défis : des délais serrés, une logistique complexe jusqu’à la pointe de la presqu’île et, surtout, la taille même de l’opération. Non pas pour l’étanchéité à l’air, assurée par une seule entreprise, également en charge de la charpente, des menuiseries et de l’isolation, donc à même de maîtriser les points sensibles, mais pour trouver des partenaires capables et volontaires. « Peu de sociétés ont répondu aux appels d’offres : celles qui sont en capacité de gérer des marchés aussi exigeants ne s’intéressent pas à des projets de cette échelle. À l’inverse, les petites entreprises pour qui cette opération aurait été adaptée ne répondent pas forcément aux procédures d’appels d’offres », constate Marie Fétiveau.
Une fois tous les acteurs réunis, l’architecte n’en était pas pour autant au bout de ses peines. « Il faut savoir que dans les zones littorales, comme à Quiberon, les chantiers sont mis en pause en juillet-août pour le confort des vacanciers. Alors que débutait cette pause estivale, nous avions terminé le clos, mais pas le couvert. Il a donc fallu protéger attentivement les caissons bois pour éviter que de l’eau ne pénètre, endommageant irrémédiablement l’isolation en paille. Nous avions appliqué deux protections ; la pluie avait traversé la première, mais heureusement pas la deuxième », se souvient-elle avec soulagement.
« Nous avons mis en place une petite formation du personnel après livraison pour leur apprendre à vérifier les températures, utiliser la GTB (gestion technique du bâtiment) et changer le mode des brise-soleil orientables en été. »
La prise en main de l’espace jeunes par l’équipe d’animateurs s’est déroulée en revanche sans trop d’anicroches. « Nous avons mis en place une petite formation du personnel après livraison pour leur apprendre à vérifier les températures, utiliser la GTB (gestion technique du bâtiment) et changer le mode des brise-soleil orientables en été, explique Laurence Canu. Ils n’ont pas eu trop de difficultés à prendre le bâtiment en main, hormis au début de l’hiver dernier, où ils ont eu un peu froid, faute d’avoir laissé les BSO ouverts quand le bâtiment était inoccupé. Avec un peu de pédagogie, cela a été vite réglé ! »
Avec cet espace jeunes, le Passif prend une autre dimension : celle d’une architecture qui relie, sensibilise et prend soin, tout simplement.
FICHE TECHNIQUE
livraison mars 2024 – localisation Quiberon, Morbihan – label Bâtiment Passif Classique – surface de référence énergétique 131 m² – coût total de la réalisation 630 000 euros HT – besoins de chauffage 9 kWh/(m²a) – puissance de chauffe 11 W/m² – fréquence de surchauffe 2 % – test d’infiltrométrie n50 = 0,3/h – consommation d’énergie primaire 118 kWh/(m²a) – consommation d’énergie primaire renouvelable 57 kWh/(m²a) – rendement VMC double-flux 80,3 % – châssis triple vitrage Uw = 1,37 W/(m²K) – murs extérieurs panneau de fibres de bois (Agepan), caisson ossature bois avec isolation paille, laine de bois, BA 13. U = 0,120 W/(m²K) – dalle laine de bois soufflée, isolant sous chappe, bois. U = 0,124 W/(m²K) – toiture panneau de fibres de bois (Agepan), caisson ossature bois avec isolation paille, laine de bois, panneau à base de bois (Pavaplan), lame d’air, dalle de plafond en fibre de bois. U = 0,111 W/(m²K)


