Auto-conception : le récit de Jérémy et de sa maison passive en Provence

« Une maison de rêve pour ses occupants, c’est-à-dire nous, mais une maison étrange pour les non-initiés. » C’est en 2023, tout près de Salon-de-Provence (13), que Jérémy et sa famille emménagent dans leur nouvelle demeure. Une habitation passive de 149 mètres carrés, dessinée par le maître des lieux himself, qui nous confie ses retours d’expérience, ses joies et ses galères. Témoignage.

Ce témoignage est issu d’un appel lancé par l’association La Maison du Passif. Si vous souhaitez vous aussi nous faire part de votre retour d’expérience à propos d’un projet passif sur lequel vous avez travaillé, écrivez-nous à l’adresse : comm@lamaisonpassive.fr

La maison de Jérémy et sa famille, dans les Bouches-du-Rhône (13) - © Jérémy

Une maison qui (d)étonne !
« Notre maison ressemble à une maison tout à fait classique : parce qu’elle est enduite, les gens ne comprennent pas qu’elle est à ossature bois – puisqu’on ne voit pas ce matériau, où pourrait-il bien être ? Ils ne voient pas, non plus, en quoi elle est passive – à quoi peuvent-ils bien s’attendre ? Il arriva même un jour où notre fils raconta à l’école qu’il n’y avait pas de système de chauffage dans sa maison. La maîtresse lui expliqua alors longuement qu’il devait y en avoir un, mais qu’il ne le voyait pas. Un chauffage au sol peut-être… »

Des anecdotes de cet acabit, Jérémy en a de nombreuses à partager. Installé aux Pays-Bas en 2019 avec sa femme et ses deux enfants, cet officier de l’armée de l’air cultive un intérêt pour la sobriété et la performance énergétique depuis longtemps. « En 2010, nous avions travaillé sur la rénovation de ce qui a été notre première maison. Par conviction, nous savions dès le départ que nous souhaitions insister sur les aspects écologiques. À l’époque, je m’étais énormément renseigné sur les isolants biosourcés. Cette expérience nous a ouvert l’esprit sur l’importance de l’isolation, de l’étanchéité à l’air et de tout ce qui en découle », raconte l’ingénieur. Alors, quand la famille fixe son retour dans l’Hexagone pour l’été 2023, elle aspire tout naturellement à vivre dans un logement « à la pointe de ce qui se fait en termes écologique et environnemental ». En un mot : passif.

« On a eu le sentiment que dans la région, les constructeurs se contentent vraiment du minimum syndical en termes de performance énergétique et d’isolation. »

© Jérémy

Le choix de l’auto-conception
Par réflexe ou par facilité, le couple – qui envisage de construire neuf dans le sud de la France – s’adresse d’abord à des constructeurs de maisons individuelles. Des échanges plutôt frustrants : « les deux professionnels que nous avons rencontrés ne nous ont pas convaincus de leurs capacités à mettre en œuvre des produits innovants pour que notre maison soit vraiment adaptée aux futures normes environnementales, explique Jérémy. Nous avons été déçus. On a eu le sentiment que dans la région, les constructeurs se contentent vraiment du minimum syndical en termes de performance énergétique et d’isolation. Nous ne les avons pas tous contactés, alors nous ne pouvons pas tirer de conclusion générale, mais il reste que nous n’avons croisé la route d’aucun constructeur s’intéressant de près ou de loin au passif. »

Qu’à cela ne tienne. Convaincu de la pertinence du passif – « de tels bâtiments existent depuis plus de 25 ans en Allemagne, aucune raison à ce que cela ne fonctionne pas chez nous » – le père de famille décide alors de prendre les choses en main lui-même. « Je me suis documenté, j’ai suivi des formations, notamment des MOOC, sur le passif. Parce que je voulais bien comprendre le concept et surtout m’assurer qu’il était transposable à des régions où la problématique est davantage le confort d’été que celui d’hiver. C’était ma plus grande inquiétude : savoir comment notre maison allait se comporter l’été quand le mercure dehors dépasse fréquemment 36°C. »

À force de travail et de persévérance, Jérémy se forme à la conception passive. Il commence à dessiner lui-même les plans et volumes de sa future maison (d’une surface inférieure à 150 mètres carrés, le recours à un architecte étant obligatoire au-delà de cette superficie) en veillant bien à respecter les principes bioclimatiques. En parallèle, le couple se met en quête d’un terrain constructible propice. En plein COVID, il déniche le candidat idéal, bien orienté et doté de masques végétaux, parfaits pour protéger la future habitation des vents et des rayons du soleil caniculaire. Ne reste plus, alors, qu’à trouver des artisans qualifiés.

«  À l’origine, je ne pensais pas construire en bois. J’étais parti sur des matériaux plus massifs pour apporter de l’inertie à la construction. »

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© Jérémy

S’entourer d’une équipe solide
Parce qu’il faut bien débuter les recherches quelque part, Jérémy et sa femme recontactent un artisan avec lequel ils avaient collaboré sur leur première maison. Banco : l’artisan en question connaît un charpentier membre de la Fédération Française de la Construction Passive et donc intéressé par le sujet. Or, qui dit charpentier, dit structure bois, un procédé que Jérémy n’avait pas prévu de privilégier. « À l’origine, je ne pensais pas construire en bois. J’étais parti sur des matériaux plus massifs pour apporter de l’inertie à la construction. Or, j’ai appris au fil de mes recherches que la réussite d’une réalisation passive passe par la qualité de la mise en œuvre : puisque nous avions trouvé des artisans impliqués, autant travailler avec eux. En plus, le bois s’accordait bien avec notre projet de maison à la pointe sur le plan environnemental. L’inertie, on pourrait l’apporter autrement », témoigne-t-il.

De fil en aiguille, l’officier de l’armée de l’air compose son équipe : le charpentier donc, « très calé sur les problématiques d’étanchéité », mais aussi le plombier ou encore l’électricien, qui fera office de chef de chantier, Jérémy n’étant pas sur place. Et enfin, le maçon. « Quoique très professionnel, il ne connaissait pas le matériau que nous souhaitions mettre en œuvre pour les fondations, des panneaux de mousse rigide de polystyrène extrudé », se souvient Jérémy. Mais après s’être renseigné, l’artisan rassure son client : ces panneaux ne sont pas difficiles à poser, pour peu que l’on suive la méthode, bien détaillée par le fabricant.

« Il y a énormément de choses que j’ai dû apprendre au fur et à mesure que je remplissais le logiciel PHPP. Heureusement, je suis ingénieur de formation : ça aide pour gérer les tableaux Excel. »

© Jérémy

Persévérance, travail et prudence
Bien que le logiciel ne soit pas simple à prendre en main sans avoir suivi la formation CEPH, c’est Jérémy qui se charge de réaliser les calculs thermiques sur le fameux PHPP. « La passion et l’envie m’ont donné assez d’énergie pour m’en occuper. Évidemment, il y a énormément de choses que j’ai dû apprendre au fur et à mesure que je remplissais le logiciel. Et puis je suis ingénieur de formation : ça aide pour gérer les tableaux Excel comme le PHPP », sourit l’autodidacte.

Côté matériaux et équipements, Jérémy et ses artisans prennent le parti de la prudence : pour éviter toute déconvenue, ils ne sélectionnent que des produits certifiés par le Passivhaus Institut, comme les fenêtres à triple vitrage ou la ventilation double-flux. Conformément à ses aspirations, le couple privilégie également le biosourcé : ainsi, les 30,5 centimètres d’isolation des murs se composent par exemple d’une couche de fibre de bois, de laine de coton et de panneaux d’isolant mixte chanvre-lin-coton. Pour la toiture, ils optent pour de la ouate insufflée – 40 centimètres, précisément.

Outre la chasse aux ponts thermiques, facilitée par le choix d’une isolation par l’extérieur, d’une structure bois et des panneaux de mousse rigide de polystyrène extrudé, Jérémy et son charpentier veillent à la qualité de l’étanchéité à l’air. Sur les conseils de La Maison du Passif, ils effectuent un test d’étanchéité intermédiaire en dépression/surpression avant la pose du Placo. « À l’issue de ce premier test, les résultats ne répondaient pas encore aux normes passives. Nous avons fait les correctifs nécessaires, si bien que les résultats du test final étaient excellents », se félicite à juste titre l’ingénieur.

«  On est ravis été comme hiver, c’est génial. La maison est d’un confort sans égal, économique à l’usage, facile à vivre et très lumineuse. »

© Jérémy

Une belle histoire à partager
À vrai dire, ce ne sont ni les ponts thermiques, ni le verdict du blower-door test qui inquiétaient Jérémy, mais bel et bien la problématique du confort d’été : « c’est vraiment ce point qui a polarisé toute notre réflexion. Comment éviter de surchauffer l’été dans une maison à ossature bois, donc à faible inertie. Pour pallier ce manque, nous avons vu large sur l’épaisseur de la dalle béton (25 centimètres) et ajouté un mur en béton banché à l’intérieur. » À ces mesures de prudence s’ajoutent des BSO sur toutes les fenêtres en bois-aluminium, ainsi qu’une pergola installée sur les deux tiers de la façade sud. Résultat : la température intérieure ne dépasse jamais 26°C, même en période de canicule. La plupart du temps, elle oscille plutôt entre 20°C et 24°C, et ce, sans système traditionnel de chauffe ou de ventilation. « Au début, nous hésitions à installer un poêle. Nous avons testé un hiver sans et nous n’avons pas eu froid. Nous avions également prévu des réservations pour un sèche-serviettes dans la salle de bains, sèche-serviettes que nous n’avons finalement jamais installé. »

Après plus d’une année passée dans leur maison, Jérémy et sa tribu ne regrettent pas d’avoir misé sur le passif : « On est ravis été comme hiver, c’est génial. La maison est d’un confort sans égal, économique à l’usage, facile à vivre et très lumineuse ». Surtout que pour un prix situé entre 280 000 et 300 000 euros, la bâtisse ne leur a pas coûté plus cher que la note annoncée par les constructeurs de maisons individuelles au début de leur aventure. Et grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques en toiture, l’habitation produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme. De son aveux-même, le seul regret de Jérémy porte sur le fait d’avoir suivi la construction à distance, quand bien même son électricien jouait les chefs de chantier. Et l’ingénieur de se confier : « si c’était à refaire, je ferais en sorte d’être à côté pour pouvoir m’en occuper de manière plus régulière ».

Aujourd’hui, Jérémy s’attèle surtout à expliquer autour de lui en quoi consiste le passif et à pourfendre certains a priori, comme ceux de la maîtresse de son fils. « L’idée de pouvoir partager mon expérience du passif me plaît, car je vois autour de moi que ce sujet reste confidentiel et étonne autant qu’il intéresse. Nos amis, par exemple, sont toujours suspicieux. C’est une maison de long terme et les habitudes court-termistes actuelles la font parfois passer pour une lubie néo-écolo inutilement chère. Quoi qu’il en soit, elle ne laisse personne indifférent et je suis très fier de l’avoir fait. Désormais, je ne pourrais pas faire autrement. »

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Le label "BaSE", Bâtiment sobre en énergie

Construire passif, la garantie d'un bâti de qualité.

Concevoir et construire un bâtiment passif est un objectif ambitieux. Voilà pourquoi la certification Bâtiment Passif a évolué pour inclure le label BaSE (Bâtiment Sobre en Énergie).

Valoriser l'utilisation des énergies renouvelables

Ce label a été pensé pour récompenser les efforts de toutes les équipes ayant collaboré au projet et pour saluer la performance énergétique du bâtiment certifié.
Il reprend les bases de la certification passive, mais assouplie :

  • Le besoin de chauffage doit être inférieur à 30 kWh d’énergie utile par m² de surface de référence énergétique et par an (contre 15, en Bâtiment Passif)
  • Une perméabilité à l’air de l’enveloppe mesurée sous 50 Pascals de différence de pression inférieure ou égale à 1 par heure (contre 0,6 en Bâtiment Passif)
  • Les autres critères restent identiques.

Le label "bâtiment passif premium"

La première maison passive Premium de France © Jean-Louis Bidart

À l’aube de la transition énergétique, la certification Bâtiment Passif a évolué pour accueillir deux nouvelles catégories, Plus et Premium, axées sur l’utilisation des énergies renouvelables. Elles valorisent les constructions ayant fait le choix d’être productrices d’énergie.

Valoriser l'utilisation des énergies renouvelables

La catégorie « Bâtiment Passif Premium» est la plus exigeante de toutes : elle récompense les bâtiments générant au moins 120 kWh/(m²a) d’énergie par rapport à l’emprise au sol du bâtiment.

Il devra également justifier du respect des 4 critères de base du passif :

  • Un besoin de chauffage inférieur à 15 kWh d’énergie utile par m² de surface de référence énergétique et par an
  • Une consommation totale en énergie primaire (tous usages, électroménager inclus) inférieure à 120 kWh par m² de surface de référence énergétique par an
  • Une perméabilité à l’air de l’enveloppe mesurée sous 50 Pascals de différence de pression inférieure ou égale à 0,6 par heure
  • Une fréquence de surchauffe intérieure (> à 25°C) inférieure à 10 % des heures de l’année.

Le label "bâtiment passif plus"

La première maison passive Plus de France

À l’aube de la transition énergétique, la certification Bâtiment Passif a évolué pour accueillir deux nouvelles catégories, Plus et Premium, axées sur l’utilisation des énergies renouvelables. Elles valorisent les constructions ayant fait le choix d’être productrices d’énergie.

Valoriser l'utilisation des énergies renouvelables

Dans la catégorie « Bâtiment Passif Plus », le bâtiment devra générer au moins 60 kWh/(m²a) d’énergie par rapport à l’emprise au sol du bâtiment.

Il devra également justifier du respect des 4 critères de base du passif :

  • Un besoin de chauffage inférieur à 15 kWh d’énergie utile par m² de surface de référence énergétique et par an
  • Une consommation totale en énergie primaire (tous usages, électroménager inclus) inférieure à 120 kWh par m² de surface de référence énergétique par an
  • Une perméabilité à l’air de l’enveloppe mesurée sous 50 Pascals de différence de pression inférieure ou égale à 0,6 par heure
  • Une fréquence de surchauffe intérieure (> à 25°C) inférieure à 10 % des heures de l’année.